L’aigle royal

Empereur du ciel

L’aigle royal, rapace de grande taille, a longtemps été une des espèces emblématiques des deux parcs, au même titre que le bouquetin des Alpes. Il partage désormais cette notoriété avec le gypaète barbu, réintroduit à partir de 1993 mais également avec le vautour fauve, estivant régulier. Le nombre total de couples connus par les deux espaces protégés est de 67 couples, dont 53 pour le Parc national du Mercantour (zone cœurs, aire d’adhésion et d’influence). Cet effectif résulte des effets conjugués de protection liés au statut de l’espèce et de la réglementation des parcs français et italien. Les espaces protégés sont ainsi une garantie contre les risques de dérangement sur les sites de reproduction et d’accès aux ressources alimentaires.

Biologie et écologie

L’aigle royal Aquila chrysaetos compte parmi les plus grands rapaces des Alpes avec le gypaète barbu et le vautour fauve. Son envergure peut atteindre 2,20 m, le corps est massif, les ailes sont longues et larges à bords parallèles. Son plumage à l’âge adulte est uniformément brun foncé à l’exception de la tête et de la nuque teintées de jaunâtre.

Dans nos régions, il fréquente la limite supérieure des forêts, principalement les zones d’alpages et les versants rocailleux. Chaque couple occupe un vaste territoire pouvant atteindre plus d’une centaine de kilomètres carrés, dans lequel il installe une ou plusieurs aires. Le nid, constitué d’un amas de branchages, est installé sur un replat abrité dans une falaise rocheuse (quelquefois dans les arbres) en contrebas des terrains de chasse ; il en choisit une par saison de reproduction, laquelle est rechargée avec des branches de l’année. Il y a une seule ponte par an, de mi-mars à fin mai : un jeune (plus rarement deux) est élevé et prend son envol entre le début juillet et la fin août.

L’aigle royal chasse en survolant lentement les pentes à faible hauteur, épousant tous les accidents du terrain et les proies sont capturées à l’issue d’un bref piqué soit à terre soit en vol. Il capture des mammifères, la marmotte étant la ressource principale, mais aussi des oiseaux (lagopède alpin et tétras-lyre). Les proies sont habituellement chassées, mais aussi consommées à l’état de cadavres.

Conservation

L’aigle royal est une espèce à large répartition, bien représentée en Europe du Nord et dans les pays méditerranéens. En France et en Italie il se reproduit dans les grands massifs montagneux et leurs piémonts, Alpes et Préalpes, sud du Massif Central, Pyrénées, Corse… Il est considéré comme rare en Europe, toutefois ses effectifs sont désormais stables, notamment grâce aux différents dispositifs de protection dont il fait l’objet au niveau international.

Néanmoins si la destruction systématique n’est plus pratiquée, de nombreuses causes de mortalité subsistent : empoisonnements destinés aux prédateurs, percussions avec le réseau électrique, tirs de malveillance… auxquelles il faut ajouter des causes de dérangement, avec la création de pistes forestières, la pratique d’activités sportives telles que l’escalade, le vol libre, la chasse photographique.

Protection

Au niveau international l’aigle est protégé par la Directive 79/409/CEE (Directive européenne dite « Directive Oiseaux »)  - Annexe I et par la Convention de Washington (CITES) - Annexe A.

Au niveau européen il est protégé par la Convention de Bonn - Annexe II- et par la Convention de Berne - Annexe II. Il est protégé en France par l’arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et en Italie par la Loi 157/92.

L’aigle dans les deux Parcs

Dès la création des deux parcs français et italien, un protocole de dénombrement des couples et de suivi de la reproduction a été mis en place (délimitation des territoires, recherches des aires, contrôle des paramètres de la reproduction). La population d’aigle royal des deux parcs (zones  protégées) est de 38 couples. De part et d’autre de la crête frontalière commune des deux espaces protégés, on dénombre onze couples occupant les parties supérieures de la vallée du Sabbione jusqu’au val di Valasco (versant italien) et du vallon de la Valmasque jusqu’au vallon de Chastillon (versant français).

Les sites de nidification sont situés plus haut en altitude côté italien avec une majorité d’aires, entre 1500-2000 m, tandis que du côté français (analyse sur l’ensemble de la population) elles se répartissent entre les tranches altitudinales 1000-1500 m et 1500-2000 m (voir la Carte K).

L’aigle et les autres

Avant la réintroduction du gypaète barbu, l’aigle royal était le plus grand rapace des Alpes. La dynamique qu’entretenaient les deux espèces avant la disparition du gypaète dans les Alpes est inconnue. Les deux espèces ayant des exigences écologiques bien différentes (régime alimentaire, sites de nidification), il n’y a presque pas de concurrence entre elles. Aujourd’hui, avec l’installation des premiers couples de ce vautour, on sait que dans certaines régions il peut y avoir une forte compétition pour les sites de reproduction et la défense d’un territoire et qu’elle peut entraîner dans certains cas une issue fatale pour les deux espèces. Ce phénomène est plus marqué là où il y a une très forte densité de couples d’aigles, comme c’est le cas dans la région Mercantour-Marittime. L’arrivée du vautour fauve, estivant régulier sur les massifs du Mercantour, mais non nicheur, n’a pas non plus occasionné de compétition interspécifique.

L’aigle en chiffres

Pour la zone cœur du Parc national du Mercantour, 30 couples sont connus, pour un effectif total de 53 couples en tenant compte de la zone d’adhésion et d’influence au sens large ; si l’on tient compte des individus reproducteurs au sein du Parco Alpi-Marittime, le nombre total de couples s’élève à 61. Le nombre d’aires varie entre deux et douze par couple, les autres paramètres, substrat et altitude, variant selon les secteurs géographiques (vallée plus ou moins élevée en altitude, géologie). La productivité moyenne (jeunes/couples suivis) entre 2000 et 2012 est de 0,46. Celle-ci varie suivant les années et les populations. Elle est en partie corrélée à l’abondance des ressources alimentaires. Dans la littérature, la productivité des populations montagnardes est de l’ordre de 0,48 jeune/couple/an dans les Alpes. Plusieurs autres facteurs contribuent à abaisser la productivité : conditions atmosphériques lors de l’incubation, des densités élevées, la présence d’oiseaux non appariés, des dérangements liés aux activités humaines. Pour ce qui concerne le territoire du Parco naturale Alpi-Marittime on dénombre huit couples reproducteurs, avec un total de quatorze quand on considère la zone d’influence ; le nombre d’aires varie de deux à douze par couple, avec des variations non liées au type de substrat. La productivité des quatorze couples, durant les années 2000-2005, oscille entre 0,07 et 0,64 jeune par couple et par an.

Comme la plupart des autres rapaces, les aigles royaux sont peu prolifiques. Néanmoins la productivité peu élevée de l’espèce en zone de montagne, avec moins d’un jeune par couple reflète la situation de populations qui paraissent saturées (tous les territoires sont occupés) et répondent à une régulation dépendante de la densité. Toutefois, il convient de surveiller la mortalité juvénile qui peut être fortement augmentée du fait des activités humaines.

Pour en savoir plus : voir aussi Carte K 9

Ce site a été réalisé dans le cadre du PIT "Espace transfrontalier Marittime Mercantour" Programme ALCOTRA 2007 - 2013 et mis à jour grâce au projet :