Les espèces discrètes et menacées

Directives « Habitats » et « Oiseaux »

La mosaïque d’habitats du Mercantour et d’Alpi-Marittime est à l’origine d’une impressionnante diversité d’espèces animales, associée à des composantes alpines et méditerranéennes fortes. Si les grandes espèces emblématiques contribuent à cette extraordinaire richesse biologique, celle-ci est surtout à attribuer aux espèces de petite taille, lesquelles discrètes passent souvent inaperçues. Ces espèces encore peu connues, et endémiques pour un certain nombre, sont l’objet d’importants programmes de recherche de la part des deux espaces protégés, comme par exemple le projet ATBI (Inventaire Généralisé de la Biodiversité).

La conservation en Europe

L'espace Marittime-Mercantour abrite certaines espèces particulièrement précieuses appartenant aux grands ordres du monde animal ; mammifères, oiseaux, amphibiens, poissons, reptiles, insectes. La plus grande partie d'entre elles ne sont pas des espèces porte-drapeau, comme les grands rapaces ou le loup, elles ne sont pas forcément bien connues, ni identifiées, comme par exemple, certains insectes. La valeur de ces espèces comme patrimoine s’évalue à l’échelle mondiale, c’est pourquoi l’Union Européenne a voulu cibler les politiques de conservation de la nature sur ces espèces précieuses et fragiles. En Europe, c’est la destruction des habitats naturels de ces animaux qui est la cause principale de leur vulnérabilité.

Dès 1979, la Directive européenne « Oiseaux » a engagé les États-membres à conserver près de cent espèces d’oiseaux qui méritaient une attention particulière de la part de l’homme. En 1992, à travers la Directive « Habitats », l’Union européenne a ajouté 82 espèces animales à cette ambition. Les espèces sélectionnées se caractérisent par leur vulnérabilité (espèces en danger ou menacées d’extinction) et par leur rareté (aire de répartition restreinte, incluant les espèces endémiques). Pour définir l’état de santé de ce patrimoine, on fait appel au concept “d’état de conservation”.

Il s’agit d’un indicateur basé sur trois critères :

La faune et sa conservation dans les deux Parcs

L’espace Mercantour Alpi-Marittime abrite certaines espèces particulièrement précieuses pour la conservation de la nature ; elles ne sont pas forcément bien connues, ni identifiées (exemple, les insectes) et elles sont le fruit d’une longue évolution, qui leur a permis d’acquérir des adaptations aux conditions climatiques, des adaptations alimentaires et comportementales pour assurer leur survie en montagne. Elles sont souvent discrètes et difficiles à observer.

La présence des espèces patrimoniales européennes a été confirmée dans l’espace transfrontalier dans le cadre de la construction du réseau Natura 2000. Le territoire des deux parcs est reconnu comme stratégique pour la conservation de plusieurs d’entre elles : c’est l’espace de reproduction des oiseaux galliformes (perdrix et tétras), c’est le territoire de chasse des chauves-souris, c’est l’espace vital des oiseaux forestiers (pics et chouettes) et il abrite des torrents adaptés à la survie du chabot (Cottus Gobio).

Les zones périphériques des deux parcs ont une grande importance pour plusieurs espèces car on y trouve les sites de reproduction des nombreuses espèces de chauves-souris et les principales populations pour les passereaux de milieux ouverts, ou les insectes à affinités méditerranéennes. L’hypothèse communément admise est que les modifications de l’utilisation de la montagne par l’homme (abandon de la fauche, abandon de l’entretien systématique des alpages, mutation de l’utilisation pastorale) ont pour conséquence une diminution des habitats ouverts ou semi-ouverts (haies, lisières, paysage bocager, prairies), ce qui peut entraîner une disparition de l’habitat disponible. Parallèlement la volonté des deux parcs naturels est de favoriser la libre évolution des forêts, génératrice d’habitats (cavités, fentes, pourriture…) favorables aux oiseaux, aux chiroptères et aux insectes saproxyliques, éléments importants de la biodiversité forestière. 

Les chauves-souris, maîtresses de la nuit

Le territoire des deux parcs compte 29 espèces de chauves-souris ou Chiroptères (du grec keir, “main” et pteron, “aile”: “des mains transformées en ailes”) des 40 espèces connues en Europe. Cette diversité est liée à la variété des milieux rencontrés, dans les domaines alpin et méditerranéen. Des études menées dès 1986 ont permis d’attester l’importance du territoire des parcs comme zone de chasse, comme territoire de reproduction et d’hivernage pour ces espèces.

9 espèces de l’Annexe II de la Directive Habitats sont présentes, ce qui est considérable. Un fort enjeu régional existe notamment sur les Rhinolophidés (3 espèces) ; le Petit rhinolophe Rhinolophus hipposideros est peut-être le plus connu d’entre eux. Cette espèce anthropophile se regroupe en colonies de reproduction de 10 à 100 individus environ dans des bâtiments auxquels elle est très fidèle (granges, moulins, chapelles…). On la rencontre principalement en vallée du Var, de la Tinée, de l’Ubaye ainsi que dans la vallée du Gesso aux environs de Valdieri.

Le Grand rhinolophe Rhinolophus ferrumequinum, très lié aux milieux bocagers, n’est connu que dans la vallée de la Roya où il ne dépasse pas 500 m d’altitude en reproduction ; il est associé parfois à l’euryale Rhinolophus euryale qui est une espèce très rare dans cette région transfrontalière ainsi qu’au murin à oreilles échancrées myotis emarginatus également listé en Annexe II. Les bâtiments abritant les rhinolophes méritent également une attention particulière lorsqu’ils sont réhabilités ou en état de ruine, pour préserver leur attractivité.

Trois espèces de murins se partagent les habitats de faible et moyenne altitude. Le Grand murin (Myotis myiotis), dont l’envergure peut dépasser les 40 cm est signalé dans la vallée de la Roya, dans le val Vermenagna et dans la vallée du Gesso. Le petit murin (Myotis blythii oxygnathus) affectionne quant à lui les herbes hautes et fréquente les lisières forestières, les prairies humides et hautes. L’espèce n’a été détectée que dans la vallée de la Roya, mais pourrait aussi être présente sur le secteur de Palanfré, comme le grand murin, capturé dans le val Vermenagna et dans la vallée du Gesso. Le vespertilion à oreilles échancrées, déjà mentionné, fréquente lui aussi les abords du site pour chasser les insectes. Pour survivre, toutes ces espèces ont besoin du maintien de lisières, de bocages et de prés de fauche, à basse et moyenne altitude, pour que leurs populations continuent à survoler le Mercantour et les Alpi-Marittime. C’est pour cette raison que la disparition des activités de fauche et de défrichement à basse altitude est une cause de leur raréfaction.

Bien que non exclusifs, les milieux forestiers matures et sénescents sont les habitats de chasse préférentiels de deux autres espèces menacées, à savoir la Barbastelle d’Europe et le murin de Bechstein. Leur présence témoigne d’un espace forestier ayant un certain degré de naturalité (diversité en essences, structure verticale variée, présence d’arbres sénescents, etc) qu’il est indispensable de conserver si l’on veut préserver ces espèces. Mal connues au niveau de leurs sites de reproduction, des sites d’hivernage de la barbastelle sont répertoriés des deux côtés de la frontière.

L’une des menaces mettant les chiroptères de plus en plus en danger provient du dérangement humain sur les sites de reproduction, d’estivage ou d’hivernage, notamment ceux localisés dans des grottes naturelles ou dans de vieux édifices, comme les églises, les fortins militaires, etc. La présence humaine, souvent trop curieuse et bruyante, peut aller jusqu’à importuner les phases de reproduction. Elle peut aussi entraîner l’abandon des jeunes n’ayant pas encore pris leur envol ou bien un réveil prématuré pendant la période d’hibernation, se traduisant pour les animaux par une dépense énergétique considérable et un risque très élevé d’épuisement avant l’heure des ressources emmagasinées.

La conservation des milieux agropastoraux traditionnels, des forêts à forte naturalité ainsi que le bâti ancien sont les garants d’une réelle protection des chauves-souris sur l’espace Mercantour Alpi-Marittime. 4 sites Natura 2000 (« Les Entraunes », « Castellet lès Sausses-Gorges de Daluis », « Breil-sur-Roya » et « St Étienne de Tinée ») ont cet objectif prioritaire dans l’aire optimale d’adhésion du Parc national du Mercantour. Pour le Parco naturale Alpi-Marittime, la Réserve naturelle des Grottes del Bandito, récemment créée, a notamment pour objectif de préserver un important site d’hivernage. De plus, un effort de prospection est indispensable pour mieux évaluer le statut des populations de ces cinq espèces emblématiques de chauves-souris.

Les oiseaux galliformes : les mieux connus, les plus menacés

Connaître pour mieux protéger : les cinq espèces de galliformes présentes dans les deux parcs sont toutes considérées comme menacées à l’échelle européenne ; Tétras lyre Tetrao tetrix, perdrix bartavelle Alectoris graeca, lagopède alpin Lagopus mutus et perdrix rochassière Alectoris x labatiei ainsi que gélinotte des bois Bonasa bonasia (ces dernières étant  présentes uniquement dans le Parc national du Mercantour). Les quatre premières espèces citées sont l’objet d’une régression géographique et démographique bien étudiée à l’échelle des Alpes. Malgré la présence des deux parcs, qui a permis de créer une vaste zone de protection pour ces espèces, plusieurs activités humaines comme le pastoralisme, la gestion forestière ou la fréquentation touristique peuvent avoir des impacts négatifs sur ces populations. Les recensements réguliers effectués sur ces espèces sont centralisés et analysés par l’Observatoire des Galliformes de Montagne, qui gère une base de données en France.

Le tétras lyre est présent à l’étage montagnard sur les deux versants et se rencontre, dans la zone de combat et d’élevage des poussins, entre landes et forêts pâturées. Afin de mieux comprendre comment les tétras sélectionnent leur habitat, 6 individus ont été suivis avec la technique de la télémétrie. Retenons qu’un tétras exploite un territoire allant jusqu’à 236 ha pour un mâle et 130 ha pour une femelle, territoire pouvant se chevaucher. Les milieux les plus fréquentés sont : le mélèzin très clair avec de la régénération et une lande fermée, puis le mélèzin clair avec une lande semi-ouverte ou avec un tapis d’herbacées dense. Cela a aussi permis de démontrer la tendance des jeunes à émigrer hors des limites des cœurs de parcs et à faire l'objet de prélèvements cynégétiques.

Aujourd’hui les principaux dangers au niveau local proviennent toutefois du développement des grandes stations de sports d’hiver, qui correspondent à 80% de l’aire de répartition du tétras lyre ; ceci accroît le phénomène de soustraction des habitats et les risques d’impact contre les câbles. La protection mise en œuvre par les espaces protégés peut constituer une bonne garantie pour la conservation de cet oiseau, bien que les surfaces des parcs soient très limitées par rapport à l’aire de répartition de l’espèce.

Les bartavelles sont cantonnées aux versants bien ensoleillés, sur les pelouses, landes et éboulis. Les densités peuvent être localement élevées dans les zones coeurs des deux parcs, bien que cette espèce ait connu une forte diminution au cours des 40 dernières années. Dans tous les cas, la tendance de ces populations est à la baisse. L’hypothèse avancée justifiant ce déclin est la transformation de leurs quartiers d’été et d’hiver. En effet, ces sites qui déneigent rapidement au printemps (pelouses à fortes pentes, éboulis, anciennes terrasses de culture) sont directement menacés « d’enfrichement » ou de sur-pâturage, et leurs capacités d’accueil pour les bartavelles, en sont d’autant réduites.

Le lagopède alpin est peut-être le tétraoniné le plus concerné par les changements climatiques, puisque son aire de répartition est limitée aux zones sommitales des massifs montagneux : l’élévation des températures a tendance à déplacer en altitude les habitats arbustifs et forestiers, étant donné la diminution des étendues de myrtilles (Vaccinium myrtillus) et de saulaies qui en découle, sachant que les habitats ne peuvent évidemment pas s’élever au-delà des sommets. L’absence de neige a aussi une incidence négative sur les chances de survie, car elle ne permet pas à l’espèce de se protéger du froid en s’enfonçant dans le manteau neigeux, tout comme les étés de plus en plus chauds et secs ne permettent pas à cette espèce de se soulager de la chaleur, à laquelle il n’est pas adapté, en trouvant refuge sur les versants plus frais.

Concernant le maintien de populations viables de Galliformes, il s’agit de renforcer l’évaluation des pratiques de gestion pastorale, notamment celles contractualisées par des Mesures Agro-Environnementales-Territorialisées (MAE-T). Les plans de gestion et leurs préconisations de bonnes pratiques ne sont pas toujours respectés, non sans conséquence sur la qualité de l'habitat de reproduction tant du point de vue des refuges contre les prédateurs que des ressources alimentaires disponibles. L’un des objectifs, en particulier sur le tétras-lyre, espèce de lisière, est de travailler sur une reconquête de la qualité des habitats favorisant ainsi le succès de la reproduction des populations. Une approche intégrée agro-sylvo-cynégétique en transfrontalier a été initiée et soumise à l'Europe allant, d'une part vers une harmonisation des diagnostics (pastoraux et forestiers) comme ceux écologiques des milieux et d'autre part vers une harmonisation écologique des milieux. Malgré l’expérience acquise par les deux Parcs en plus de trente ans, le chemin à parcourir reste long pour concilier au sein des espaces protégés les activités humaines comme la chasse, le pastoralisme, les sports en plein air et les infrastructures qui en dépendent, avec la riche biodiversité naturelle. Il s’agit de faire de cet objectif un “défi collectif” pour les dix prochaines années.

Les oiseaux forestiers : pics et chouettes

Trois espèces forestières du territoire Mercantour Alpi-Marittime sont considérées comme d’importance européenne (Directive Oiseaux): le pic noir Dryocopus martius et les chouettes chevêchette Glaucidium passerinum et de Tengmalm Aegolius funereus. Leur vulnérabilité provient de leurs besoins, car elles nécessitent de grandes zones boisées avec une forte présence d’arbres de grande taille et dépérissants (morts et marcescents), aussi bien adaptées à la recherche de nourriture (insectes xylophages, rongeurs ou bien petits passériformes) qu’à la construction du nid. Leur raréfaction dans les Alpes a atteint son point culminant à la fin du XIXe siècle, à cause de la déforestation massive. Ils ont fait leur retour dans de nombreuses régions après l’abandon des montagnes et des pratiques intensives d’exploitation du bois. Dans tous les cas, leur survie dépend de la sauvegarde des bois constitués de grands arbres.

Ces oiseaux remarquables sont particulièrement liés entre eux puisque le pic noir fore des cavités de reproduction dans les gros arbres -sapins, épicéas- et parfois dans le peuplier tremble, au bois plus tendre. Ces cavités servent, une fois qu’il les a abandonnées, à la nidification des deux chouettes, en particulier de la chouette de Tengmalm.

Dans le Mercantour, le pic noir vit principalement dans des forêts de sapin pectiné et d’épicéa, comme à Mollières (vallée de la Tinée) ou dans le Caïros (vallée de la Roya). Dans les Alpi-Marittime, la majorité de la population de pic noir se trouve dans les sapinières et dans les pinèdes, mais aussi dans les forêts de hêtres avec la chouette de Tengmalm.

La chouette chevêchette, associée aux versants plutôt froids, comme certaines pessières et sapinières, est répartie de façon plus sporadique, surtout dans le Mercantour et dans la vallée de la Stura. Ces espèces sont très discrètes et seulement détectables au chant. Si leur présence est attestée, il manque des études plus approfondies sur leur densité et sur leurs comportements de sélection de l’habitat, bien que des recherches récentes mettent en évidence une répartition plus large que celle évoquée jusqu’à présent. Si la pérennité de l’état boisé en hêtres ou en épicéa et sapin ne semble pas remise en cause dans les Alpi-Marittime, la principale menace est la disponibilité en arbres pouvant accueillir des sites de nidification. Cette menace, découlant d’un changement dans la gestion du bois, est envisageable dans un futur proche à cause du développement des biomasses ligneuses utilisées dans la production d’énergie. L’exploitation des taillis notamment, changeant fréquemment de lieu, a tendance à diminuer les chances de colonisation des trois espèces.

Le maintien des arbres sénescents ou morts en forêts est une mesure indispensable pour la conservation de ces trois espèces ; les arbres morts dressés sont des sites potentiels pour les cavités de reproduction. Qui plus est, ils fournissent l’abri et la nourriture à de nombreux insectes saproxyliques qui constituent la base alimentaire du pic noir. Aussi, l’exploitation forestière doit-elle aujourd’hui utiliser les nouvelles directives d’une gestion raisonnée axées sur la structure irrégulière des peuplements, le bois mort et les gros bois, pour éviter la régression de ces 3 espèces peu communes.

Les oiseaux passereaux des espaces ouverts

Crave à bec rouge Pyrrhocorax pyrrhocorax, bruant ortolan Emberiza ortulana, pipit rousseline Anthus campestris, pie grièche écorcheur Lanius collurio sont tous quatre des passereaux ou associés, dont l’habitat est constitué d’espaces ouverts, de haies, de prairies et de champs, de pelouses. Ces quatre espèces nichent dans l’espace Mercantour Alpi-Marittime et sont listées dans la Directive « Oiseaux ».

Le crave à bec rouge est un corvidé qui a besoin de deux éléments essentiels pour sa survie : des falaises bien exposées et munies de cavités pour nicher et des pelouses rases pour son alimentation, notamment celles aux sols profonds et évolués, issus de roches plus friables comme les calcaires, les grésières, les flyschs. Étant donné que cet oiseau insectivore explore le sol en quête de larves et d’autres arthropodes, sa présence est très répandue dans le Mercantour où le domaine sédimentaire est très étendu, tandis que sa localisation dans le Parco natural Alpi-Marittime se limite aux secteurs du vallon des Albergh et de Sabbione.

Le bruant ortolan aime les terrains dégagés, secs et ensoleillés à végétation rase ou clairsemée. Dans le domaine alpin des deux parcs, il est un nicheur régulier jusqu’à 2100 mètres environ. Il préfère les pelouses bien exposées parsemées de quelques arbres ou arbustes. On le trouve également autour des hameaux (Barels, Vignols, Bousiéyas, Palanfré) car il ne dédaigne pas les terrasses de culture et les coteaux rocailleux. Dans le parc italien, il niche aussi dans quelques vallons. Partout en Europe ses populations déclinent et notamment ses populations alpines. Cela peut être lié à l’abandon des pratiques agricoles qui créaient des milieux artificiels à basse altitude en limitant l’extension des arbres et des buissons.

Le pipit rousseline a des préférences écologiques proches du bruant ortolan. On le rencontre sur les zones les plus sèches, avec la végétation la plus rase. Cependant, il ne dépasse guère, lui non plus, 2100 mètres d’altitude pour nicher : il est probablement sensible aux variations thermiques importantes à l’étage alpin. Il est présent en Tinée, dans le Haut-Var, la Vésubie et dans les alentours du col de Tende.

La pie grièche écorcheur est un oiseau typique des haies et des buissons épineux, présents dans les lisières, à l’entrée des clairières planitiaires (bois mésophiles de haute futaie) et des pelouses rases. Elle affectionne particulièrement les milieux agropastoraux comme les prés de fauche et leurs lisières de ronces, d’aubépines, de prunelles... On la trouve donc autour des villages et sur les pâtures ou prairies abandonnées, envahies de buissons. Cette déprise permet à cette espèce d’être aujourd’hui en expansion sur les territoires de moyenne montagne du site, compris entre 1000 et 1600 mètres d'altitude, puisque la progression de l’invasion des arbustes dans les pâturages abandonnés accroît temporairement les disponibilités trophiques idéales pour les espèces ; cependant cette progression est suivie par la création successive du bois qui en limite au contraire ses espaces vitaux.

Le spélerpès brun, unique au monde !

Le spélerpès brun Speleomantes strinatii est un petit amphibien aux mœurs très discrètes qui est un des vertébrés endémiques les plus célèbres de l’espace Mercantour Alpi-Marittime. En effet son aire de répartition est très limitée puisqu’elle ne couvre que quelques dizaines de kilomètres carrés à l’extrême sud-est de la France et le nord-ouest de l’Italie. Il fréquente une vaste palette d’altitudes, du niveau de la mer jusqu’à environ 2400 mètres. Le choix de l’habitat est avant tout déterminé par les conditions de température (entre 3°C et 18°C) et d’hygrométrie (au moins de 75%). C’est pourquoi on le rencontre surtout dans les grottes, crevasses, éboulis et cavités artificielles. Il peut être aussi trouvé en forêt ou en bordure de ruisseau.

D’autres espèces du genre Speleomantes sont présentes en Italie, et chaque fois, ce sont des espèces très localisées. Ce genre, endémique des Alpes maritimes et ligures, de l’Apennin centre nord et de la Sardaigne serait apparu au début du tertiaire, il y a 60 millions d’années. La discrétion du spélerpès explique qu’il ait été longtemps considéré comme rare. En réalité, il est assez commun sur la majeure partie de son aire de répartition. On le rencontre facilement dans la vallée du Gesso en Italie et en France, en moyenne et haute Tinée, Vésubie et Roya. Sa limite occidentale de distribution serait dans la haute vallée du Var où il est plus rare. Néanmoins, la très faible surface de son aire de répartition et son faible taux de reproduction justifie qu’on lui porte attention. En effet des perturbations humaines de grande ampleur (incendies, déboisements) ou suite à des catastrophes naturelles peuvent menacer ses populations.

Le chabot et l’écrevisse à pieds blancs, deux fragiles habitants des cours d’eau

Le chabot (Cottus gobio) est un poisson typique des eaux fraîches, peu profondes, exemptes de pollution et bien oxygénées. Il apprécie les fonds constitués de sable, de graviers et galets, substrats au milieu desquels il construira son nid pour déposer ses œufs l’hiver venu. Relativement à ces spécificités écologiques, l’espèce est régulièrement présente dans les zones de têtes de bassin-versant ; il n’est donc guère surprenant de trouver cette espèce patrimoniale sur notre territoire. Cette espèce est également considérée comme Vulnérable à l’échelle européenne (sans toutefois être menacée à l’échelle nationale). Sa présence pourrait être mise en péril par une pollution (chimique ou organique) des milieux et par une modification de la granulométrie de son habitat (ralentissement du courant lié à la mise en place d’un barrage, colmatage par des dépôts de sédiments fins, etc).

L’écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) affectionne également les eaux fraîches, peu profondes et bien oxygénées. Elle a également besoin d’un milieu riche en abris variés, afin de pouvoir échapper à ses prédateurs. Elle est présente sur les vallées les plus méridionales de notre territoire, c'est-à-dire au niveau de la Roya, de la Bévéra et de certains de leurs affluents. Au niveau national, elle considérée comme Vulnérable et sa pêche est réglementée. Sa conservation implique une non dégradation de la qualité physico-chimique de l’eau et, plus encore, une conservation de la diversité d’abris (blocs, racines, berges meubles, etc.) de son habitat.

Les insectes : une multitude reste à étudier

L’écologie et l’état de conservation de nombreuses espèces d’insectes, d’arachnides et de mollusques (pour ne citer qu’eux) restent malheureusement trop méconnus pour que celles-ci soient correctement représentées dans les listes d’espèces protégées et/ou réglementées.

Les espèces d’insectes concernées par la Directive Habitats sont donc des espèces dont on connaît particulièrement bien l’état de conservation et l’écologie (et dont celle-ci est représentative des habitats naturels menacés). Mais des dizaines d’autres espèces, dont certaines présentes sur notre territoire, mériteraient tout autant d’y figurer.

Les espèces d’insectes d’intérêt européen dans l’espace Mercantour Alpi-Marittime sont peu nombreuses et surtout limitées aux faibles altitudes.

Trois espèces de papillons sont concernées :

Ces trois espèces de papillons bénéficient également d’une protection à l’échelle nationale et leur présence est relativement corrélée au maintien des milieux ouverts à basse et moyenne altitude.

Le lucane cerf volant Lucanus cervus est un gros coléoptère (un des plus gros d’Europe !) de la famille des Lucanidés dont les larves se développent dans le bois mort de feuillus (principalement de chêne) en voie de décomposition. Le Grand Capricorne Cerambyx cerdo de la famille des Cérambycidés est lui aussi un coléoptère de grande taille, protégé à l’échelle nationale. Les larves se développent dans le bois de chêne, mais contrairement au lucane précité, ce bois peut être vivant ou en décomposition. Il convient enfin de mentionner un autre cérambycidé, Rosalia alpina, espèce emblématique de la faune saproxylique, observée à San Giacomo di Entracque et dans la vallée de la Vésubie.

La présence de ces trois espèces est donc directement liée à la gestion des milieux forestiers : sans une politique de conservation du bois mort, sur pied ou à terre, ces coléoptères seraient voués à disparaître.

Si ces six espèces sont présentes dans l’espace Mercantour Alpi-Marittime, leur inscription à la Directive Habitats ne doit pas cacher la multitude des taxons qui vivent sur ce territoire, dont beaucoup d'endémiques et/ou rares. Le monde de la « petite faune » (arthropodes, mollusques, …) est trop mal connu pour que l’on ne s’intéresse qu’aux espèces protégées et réglementées.

Pour l’espace Mercantour Alpi-Marittime, les deux parcs ont considéré que ce patrimoine naturel ne pouvait pas rester inconnu. C’est pourquoi plusieurs études ont été lancées pour estimer la valeur patrimoniale des communautés d’invertébrés de cette zone.

Ces études sont regroupées dans le grand projet d’Inventaire Biologique Généralisé, décrit dans la fiche 14 « Connaître et protéger la biodiversité ».

La buxbaumie verte, hôte discrète du bois en décomposition

La buxbaumie verte, Buxbaumia viridis, est une des rares bryophytes (une trentaine à peine) concernées par la Directive Faune Flore Habitat (FFH). Elle a pour habitat de prédilection le bois pourrissant au sol, principalement de résineux, dans un milieu suffisamment humide et ombragé. Cette espèce boréo-montagnarde trouve refuge dans les bois noirs de notre territoire et sa conservation est directement inféodée à la non-exportation des bois morts pourrissants. Une attention doit également être portée à l'absence de trop fortes éclaircies du couvert forestier à proximité de ses populations.

Pour en savoir plus : voir aussi la Fiche 6 “Habitats et Endémisme” et la Fiche 14 “Connaître et protéger la biodiversité”.

Ce site a été réalisé dans le cadre du PIT "Espace transfrontalier Marittime Mercantour" Programme ALCOTRA 2007 - 2013 et mis à jour grâce au projet :